Avec les systèmes des Américains MacAdam et Stiles nous quittons le terrain de la colorimétrie inférieure, qui repose exclusivement sur l’équivalence des estimations chromatiques. Chez MacAdam et Stiles, il s’agit plutôt de l’équidistance mesurable des couleurs — et l’on parle alors de colorimétrie «supérieure»; une métrique correcte doit donc pouvoir décrire la différence de sensation que deux éléments quelconques tirés de la multiplicité chromatique suscitent dans l’œil du spectateur (dans des conditions d’observation déterminées). Si clairement définie que soit la tâche, son exécution est loin d’être aussi claire. Elle est à la fois fascinante et complexe. (Texte détaillé)
Depuis la parution du diagramme de la C.I.E., on a maintes fois essayé de construire un «espace des couleurs visuellement homogène» par transformation (linéaire ou non-linéaire). Mais aucune tentative n’a été couronnée de succès, comme on vient de le voir dans un commentaire.
Le problème réside en fait dans ce que les spécialistes appellent la «métrique» du domaine des couleurs: il n’en existe actuellement aucune qui puisse se targuer d’être universellement valable. En langage courant, on entend par métrique la théorie de la versification fondée sur le nombre des syllabes; en géométrie, la métrique s’intéresse à l’unité qui permet de mesurer un espace. La construction théorique qui traite ce problème vise à donner une formule mathématique permettant de déterminer les différences entre les paramètres des couleurs: comment, par exemple, déterminer la différence de clarté entre deux couleurs de ton différent?
Dans le domaine des couleurs, une métrique correcte doit donc pouvoir décrire la différence de sensation que deux éléments quelconques tirés de la multiplicité chromatique suscitent dans l’œil du spectateur (dans des conditions d’observation déterminées). Si clairement définie que soit la tâche, son exécution est loin d’être aussi claire. Le tracé des courbes dépend de mesures multiples et d’hypothèses complexes, sans oublier les lois physiques. Il est exclu de reprendre ici, ne serait-ce qu’en esquisse, les difficultés mathématiques et géométriques qui sont liées à ces problèmes. Il suffit peut-être d’apprécier l’esthétique des corps géométriques qui naissent de ces tentatives, comme celui qui est présenté ici à gauche, œuvre de l’Américain Walter S. Stiles remontant à 1946.
L’idée de départ remonte aux tentatives de Hermann von Helmholtz pour rendre compte mathématiquement des différences perceptibles entre les mélanges chromatiques additifs. Helmholtz prétendait que toutes les couleurs qui paraissaient semblables ou analogues à une autre couleur devaient être à la même «distance» d’elle. Walter S. Stiles a donc repris ce point de départ, mais en le modifiant, afin de mieux tenir compte des observations sur les valeurs de seuil. On en a donné plus haut quelques exemples, en relation avec le système de MacAdam, à propos des fameuses «ellipses de seuil». Grâce à une transformation non-linéaire suggérée en 1957 par D. Farnsworth, ces zones de tolérance à la sensibilité de couleur peuvent être interprétées en cercles, tels qu’on les montre dans l’illustration de droite, avec le tracé également distordu du diagramme C.I.E. (On reconnaît — modifiés — le tracé de la ligne spectrale, ainsi que la ligne des pourpres.) On identifie en tout vingt-cinq petits cercles entourant les vingt-cinq couleurs visées, à partir desquelles MacAdam a déterminé expérimentalement ses ellipses de seuil.
La ligne des pourpres et le locus des couleurs spectrales sont également identifiables à la surface U.C.S. déterminée à l’aide du système de Stiles et présentée sur la figure de gauche. Les coordonnées sont aménagées de façon à ce que la source lumineuse C incluse dans le diagramme standard de la C.I.E. soit le point d’origine du nouveau système de coordonnées X1, X2 et X3. Dans le même temps, l’espace délimité entre X1 et X2 est occupé par la projection de la surface U.C.S.
Avec ce tableau et le système qui en résulte (cf. MacAdam), nous avons quitté le domaine que le physicien Erwin Schröder avait un jour appelé le «terrain de la colorimétrie inférieure», parce qu’il repose exclusivement sur l’équivalence des estimations chromatiques. Chez MacAdam et Stiles, il s’agit plutôt de l’équidistance mesurable des couleurs — et l’on parle alors de colorimétrie «supérieure». Elle est à la fois fascinante et complexe; cependant, l’amateur de couleurs relativement indifférent à ces problèmes de spécialiste acquiert peu à peu l’impression que l’utilité de ces élucubrations théoriques est finalement assez limitée. Les spécialistes restent ici entre eux — mais nous avons toujours la possibilité de lorgner par dessus leur épaule et d’admirer les résultats graphiques et colorés de leurs ratiocinations.
Datation: 1946
Origine: États-Unis
Couleurs fondamentales: Rouge, vert et bleu
Forme: «Élément linéaire»
Emploi: Mesure quantitative des couleurs
Systèmes de référence: Helmholtz — CIE — CIE-MacAdam
Bibliographie: W. S. Stiles, «A modified Helmholtz line element in brightness-colour space», Proceedings of the Physical Society London 58, pp. 41-65 (1946); G. Wyszecki und W. S. Stiles, «Color Science», New York 1967.