Il est impossible de retracer les multiples détails mathématiques que l’ancien président de l’Optical Society of America, David L. MacAdam, dut mettre au point dans son ouvrage sur la géométrie de l’espace coloré, pour parvenir à la représentation ici reprise, destinée à rendre graphiquement visibles les petites différences entre les couleurs. Le problème auquel s’attaque Mac Adam est que le diagramme C.I.E de 1931 ne représente pas des différences de couleur semblables du point de vue de la perception par des écartements égaux entre les points qui expriment les couleurs de même intensité lumineuse. La solution espérée devait s’appeler diagramme «unifié». La recherche de ce diagramme a duré plus de cinquante ans et il semble que la solution reste aussi lointaine aujourd’hui qu’elle l’était au tout début de l’aventure. (Texte détaillé)
Le point de départ de cette planche et de la suivante est le tableau normalisé des couleurs établi par la Commission internationale de l’éclairage (ou C.I.E), modifié et transformé de façon à constituer une Uniform Chromaticity Scale (U.C.S. ) ou «échelle chromatique uniforme ». Les couleurs doivent y être réparties de sorte que l’écart qui les sépare soit le plus proportionnel possible à la différence de sensation. Les diagrammes U.C.S. ne constituent pas un système de couleurs à proprement parler, parce qu’ils ne sont représentés par aucun échantillonnage et qu’ils ne saisissent qu’une petite partie de l’espace coloré. Ils ont néanmoins un intérêt pour la pratique de la colorimétrie.
Il est impossible de retracer les multiples détails mathématiques que l’ancien président de l’Optical Society of America, David L. MacAdam, dut mettre au point en 1944 dans son ouvrage Sur la géométrie de l’espace coloré, pour parvenir à la représentation ici reprise, destinée à rendre graphiquement visibles les petites différences entre les couleurs. Il est plus important pour notre propos de profiter de la diversité des formes géométriques qui peut rendre compte, à son tour, de la diversité des couleurs.
Le parcours évolutif des figures présentées commence par le diagramme de la C.I.E. en forme de languette, que MacAdams décompose ensuite en «carrés» de 0,05 unité de côté. Ces carrés sont ensuite transformés en rubans ordonnés de manière à préserver la séquence des carrés initiaux. Les nombres à trois chiffres des rubans correspondent aux longueurs d’onde de la lumière (en nanomètres); les nombres à deux chiffres sur les lignes transversales aux rubans restituent les valeurs des abscisses du diagramme C.I.E., si l’on se représente au préalable un point qui a disparu dans la reproduction (et même dans le travail original de MacAdam). Si l’on fait coïncider ensuite les bords des différents rubans, on obtient la surface figurée. Les courbes qui y sont visibles relient les points pour lesquels les valeurs du diagramme C.I.E. pour x et y sont constantes.
La transformation qui conduit des carrés aux rubans tire son origine des «ellipses de MacAdam»: dans le diagramme C.I.E., ces dernières peuvent être tracées pour une couleur initiale donnée; elles indiquent le domaine de tolérance qui est perçu comme la couleur recherchée. Les ellipses obtenues expérimentalement indiquent aussi les plages chromatiques où se situent les couleurs qui doivent être précisément distinguées de la couleur visée. Pour ces ellipses de seuil, il est impossible de donner une expression analytique, mais MacAdam a indiqué une représentation graphique de la «constante d’ellipse» et on les applique aux carrés du diagramme C.I.E. pour les métamorphoser en carrés de même sensibilité chromatique qui sont, dans une certaine mesure, «lissés» dans la représentation de droite.
Le but de toutes ces constructions et autres métamorphoses est d’obtenir des informations sur les sensibilités aux différences de couleurs. David MacAdam a été le pionnier de ces recherches. Il introduit en ces termes son ouvrage Mesure de la couleur de 1981, sur le principe fondamental des différences de couleur:
«Analogue aux cartes de Mercator et autres systèmes cartographiques du monde qui ne représentent pas exactement les distances réelles, le diagramme C.I.E. ne représente pas non plus des différences de couleur semblables du point de vue de la perception par des écartements égaux entre les points qui expriment les couleurs de même intensité lumineuse. Lorsque le diagramme C.I.E. a été conçu et accepté, la sensibilité aux différences de couleurs n’a pas été prise en considération, car on ne disposait que de très peu de données. Toutefois, dès qu’il a été employé, on a rencontré des anomalies lorsque l’on devait interpréter les configurations de certains points du diagramme. Certaines incohérences entre les distances et la taille perçue des différences de couleur étaient manifestes. L’analogie avec les cartes géographiques est rapidement apparue et l’on a proposé des modifications de la représentation, de façon à ce que des écarts semblables représentent des différences perçues semblablement. La solution espérée devait s’appeler diagramme «unifié». La recherche de ce diagramme a duré plus de cinquante ans et il semble que la solution reste aussi lointaine aujourd’hui qu’elle l’était au tout début de l’aventure. Beaucoup d’indices suggèrent même que le but est hors d’atteinte: un diagramme plat n’est pas en mesure de représenter des différences de couleurs semblables par des écarts semblables, tout comme une mappemonde ne saurait rendre les distances géographiques égales par des écarts égaux sur la carte.»
Un adage latin dit que dans les grandes entreprises, il est assez d’avoir voulu («In magnis rebus voluisse satis est»). MacAdam a voulu quelque chose de grand. Il a manifestement échoué mais cet échec a grande allure et, chemin faisant, il a créé de la beauté.
Datation: 1944
Origine: États-Unis
Couleurs fondamentales: Rouge, vert et bleu
Forme: Triangle modifié, sorte de «cartographie»
Emploi: Mesure quantitative des couleurs
Systèmes de référence: CIE — CIE-Rösch — C.I.E. – Stiles
Bibliographie: D. L. MacAdam, «On the Geometry of Color Space», Journal of the Franklin Institute 238, pp. 195-210 (1944); D. L. MacAdam, «Color Measurement», Heidelberg 1981.