Parmi les multiples tentatives visant à élaborer un système chromatique capable à la fois d’organiser les couleurs selon un plan logique et de respecter leurs rapports visuels, celle du peintre américain Albert Henry Munsell est, de l’avis général, l’une des plus réussies et des plus utilisées. Le Code Munsell est fondé sur l’égalité de distanciation correspondant à la sensation. Munsell l’a élaboré à partir d’un cercle divisé en dix parties, dont les couleurs sont ordonnées à intervalles réguliers et choisies de façon à ce que les couples diamétralement opposés s’annulent dans l’incolore. Le peintre a élaboré, par recoupements et mélanges successifs, tout un système pour lequel il s’est fié, en dernière analyse, au jugement de ses yeux. On dispose à présent d’une base de références permettant de «traduire» tous les autres systèmes. (Texte détaillé)
Parmi les multiples tentatives visant à élaborer un système chromatique capable à la fois d’organiser les couleurs selon un plan logique et de respecter leurs rapports visuels, celle du peintre américain Albert Henry Munsell (1858-1918) est, de l’avis général, l’une des plus réussies. En tout état de cause, le système (ou «code») Munsell est toujours l’un des plus répandus et des plus utilisés; il est fondé sur «l’égalité de distanciation correspondant à la sensation», s’il faut traduire littéralement les indications de son auteur. Dans A Color Notation (1905), Munsell — encore sous l’influence des Modern Chromatics de N. O. Roods — avait d’abord proposé une sphère chromatique assez banale. Mais en voulant la réaliser au moyen de petites surfaces peintes, il lui apparut que cette figure géométriquement symétrique était insuffisante lorsque l’on veut représenter les rapports réciproques entre les couleurs tels qu’ils sont perçus. Les couleurs pures sont de clartés trop différentes pour qu’on puisse les ordonner le long d’un équateur: le jaune est, par exemple, plus clair que le rouge, et ce dernier plus clair que le violet. Les efforts de Munsell pour élaborer un système dans lequel les écarts entre une couleur et ses voisines puissent être perçus comme égaux débouchèrent, en 1915, sur un Color Atlas. Il y propose une classification «développée naturellement» et ordonnée autour d’une série verticale de gris, que l’on appelle aussi «arbre chromatique» en raison de l’irrégularité de ses ramifications extérieures.
Munsell a élaboré son système à partir d’un cercle divisé en dix parties, dont les couleurs sont ordonnées à intervalles réguliers et choisies de façon à ce que les couples diamétralement opposés s’annulent dans l’incolore (selon le principe de la compensation). Les tons des plaquettes peintes à la main dont il compose son «arbre» par juxtaposition sont déterminés par trois variables que Munsell appelle «Hue» (le ton de la couleur), «Value» (son indice de clarté, ou valeur) et «Chroma» (son degré de saturation). Chaque couleur est donc caractérisée par un triple indice «H/V/C» sur lequel on reviendra plus loin. Ces paramètres ont permis à Munsell d’élaborer, par recoupements et mélanges successifs, tout un système pour lequel il s’est fié, en dernière analyse, au jugement de ses yeux.
L’échelle verticale des valeurs partage l’espace compris entre le noir (black) et le blanc (white) en dix degrés que l’auteur a étalonnés grâce à un photomètre de sa conception. Il n’a pas établi ces degrés selon les modifications linéaires de la réflexion, mais en fonction d’une échelle dans laquelle la racine carrée des intensités réfléchies change selon des intervalles réguliers (voir aussi le système d’Ostwald).
Après avoir ainsi déterminé l’échelle des valeurs, Munsell, en se fiant à son œil de peintre, a choisi des échantillons de rouge («r» pour red), de jaune («y» pour yellow), de vert («g» pour green), de bleu («b», pour blue) et de pourpre («p» pour purple) qui lui paraissaient également distants entre eux et par rapport au gris. Il en a fait les tons (Hues) fondamentaux de son système, en leur adjoignant cinq mélanges: rouge-jaune («yr»), jaune-vert («gy»), vert-bleu («bg»), bleu-pourpre («pb») et pourpre-rouge («rp»); puis il a ordonné le tout en cercle autour du gris neutre («n») mentionné plus haut (voir en bas, à droite). Ces dix couleurs principales ont reçu arbitrairement l’indice 5 de saturation (Chroma), l’échelle correspondante possédant une extrémité ouverte pouvant atteindre les indices 12 et même 14, en fonction de l’intensité des couleurs employées. Le vermillon atteint par exemple cet indice extrême, et le système Munsell le désigne par la notation abrégée 5R 5/14, alors que le rose, moins saturé, est noté 5R 5/4.
Le cercle chromatique, différencie en tout quarante tons (Hues) qui sont déterminés de la façon suivante: les cinq intervalles de couleur originels sont divisés en dix, puis en vingt, puis en quarante, de façon à ce que l’intervalle visuellement perceptible soit toujours ressenti comme égal.
Après la mort de Munsell, une nouvelle édition de son Color Atlas parut en 1929, sous le titre de Munsell Book of Color (en français, Code Munsell), et c’est cette version qui sert encore aujourd’hui de référence en géologie et en archéologie, par exemple, pour les couleurs des sols et des roches. En 1942, l’organisation des American Standards a préconisé son emploi à chaque fois qu’il s’agissait de spécifier la couleur d’une surface: si les paramètres chiffrés étaient difficilement appréciables, la comparaison visuelle directe avec les plaquettes-échantillons permettait de donner une identification précise. On recommandait toutefois d’affiner la notation proposée par Munsell — ce qui a été fait depuis par l’Optical Society of America dans le cadre d’une révision générale connue sous le nom de «rénovation».
L’importance capitale de cet étalonnage matériel résidait avant tout dans le fait suivant: on disposait à présent d’une base de références permettant de «traduire» tous les autres systèmes. Certains spécialistes modernes de coloristique auraient souhaité que Munsell pût élaborer son système à l’aide des moyens modernes de colorimétrie; cela aurait pu donner — peut-être — une classification unissant son appréciation si sensible des couleurs à la mesure précise de ce que les Allemands appellent leur «valence», terme par lequel ils désignent les propriétés spécifiques d’une couleur agissant tout particulièrement dans les mélanges. Mais Munsell était à la merci des mélanges mécaniques, qu’il avait soin de corriger de façon à ce que les écarts systématiques des perceptions colorées par rapport aux données colorimétriques fussent minimales. Les résultats ainsi obtenus sont stupéfiants de précision et de sensibilité; l’«arbre» à couleurs de Munsell resplendira encore longtemps.
Datation: 1905/1915
Origine: États-Unis
Couleurs fondamentales: Rouge, jaune, vert, bleu et pourpre
Forme: Arbre chromatique [«color tree»]
Emploi: Peinture
Systèmes de référence: Bezold — Rood — Ostwald — CIE — CIE-Rösch — Johansson — DIN — ISCC-NBS — OSA — N.C.S. — Coloroid — HLS
Bibliographie: H. Munsell, «A Color Notation», Boston 1905; A. H. Munsell, «The Atlas of the Munsell Color System», Boston 1915; F. W. Billmeyer Jr., «Survey of Color Order Systems», Color Research and Application 12, pp. 173-186 (1987).
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