L’écrivain d’art français Charles Blanc s’est intéressé aux aspects pratiques de l’art et a publié en 1881 une Grammaire des arts décoratifs très répandue parmi les peintres — Gauguin, Seurat et van Gogh, par exemple. Deux ans avant la publication de sa Grammaire, Blanc a élaboré un système chromatique reposant sur les lois du contraste simultané des couleurs de Chevreul et sur quelques idées du peintre Eugène Delacroix qui avait cherché à transposer la théorie chevreulienne des contrastes dans la réalité de la peinture. On assiste, à cette époque, à une nouvelle forme de l’interaction entre science et art. La gloire de l’Impressionnisme touche à sa fin et, au cours des années suivantes, les «néo-impressionnistes» ont cherché à donner aux couleurs de leurs prédécesseurs immédiats une base plus scientifique. (Texte détaillé)
Après la révolution de 1848, l’écrivain d’art français Charles Blanc (1813-1882) fut pendant quelques années directeur de la section des Beaux-Arts au ministère de l’Intérieur. Outre son activité politique, il s’est intéressé aux aspects pratiques de l’art et a publié en 1881 une Grammaire des arts décoratifs très répandue parmi les peintres — Gauguin, Seurat et van Gogh, par exemple. Les écrits de Blanc sur la couleur passent pour les textes théoriques les plus importants de la seconde moitié du XIXe siècle.
Deux ans avant la publication de sa Grammaire, en 1879, Blanc a élaboré un système chromatique reposant sur les lois du contraste simultané des couleurs de Chevreul et sur quelques idées du peintre Eugène Delacroix qui avait cherché à transposer la théorie chevreulienne des contrastes dans la réalité de la peinture. Pour Delacroix, les demi-tons — qui sont, selon lui, «le principe souverain de la peinture» — ne naissent pas lorsque l’on ajoute aux couleurs pures un noir «qui salit», mais lorsque l’on a recours aux couleurs complémentaires neutralisantes. Il esquisse ses idées sur les couleurs sous la forme d’un triangle équilatéral dont les angles sont le jaune, le rouge et le bleu, tandis que les côtés sont le violet (entre le rouge et le bleu), le vert (entre le bleu et le jaune) et l’orange (entre le jaune et le rouge) (illustration variantes géomètriques). Blanc élabore ensuite son cercle chromatique à partir de triangles dépourvus de noir et de blanc, cercle où se trouvent à leur tour trois triangles chromatiques, l’un avec les couleurs primaires additionnelles rouge, jaune et bleu, l’autre avec leurs contreparties complémentaires orange, vert et violet.
Les mélanges colorés sont dénommés d’après des matières ou des choses: rouge grenat, capucine, safran, soufre, turquoise et campanule. Si l’on ajoute l’orange, il reste précisément quatre noms de couleurs identiques aux couleurs psychologiques primaires de Hering.
Avant sa Grammaire des arts décoratifs, Blanc avait déjà publié en 1867 une Grammaire des arts du dessin dans laquelle il considérait la lumière comme composante «féminine» de l’art, qu’il fallait subordonner au dessin «masculin». Ceux de ses lecteurs qui étaient artistes n’étaient pas très avancés avec cette distinction ! Mais ils pouvaient s’appuyer sur d’autres suggestions, par exemple celle de Vincent van Gogh, enthousiasmé avant tout par la dynamique des couples de couleurs complémentaires. Blanc avait désigné les couleurs complémentaires comme des alliés victorieux lorsqu’elles sont l’une à côté de l’autre, et comme des ennemis mortels lorsqu’elles sont mélangées ensemble. Van Gogh les a utilisées pour représenter «combat et antithèse» sur ses toiles, comme il le déclare dans plusieurs de ses lettres à son frère Théo.
Les principaux écrits de Blanc paraissent vers 1880 et l’on assiste, à cette époque, à une nouvelle forme de l’interaction entre science et art. La gloire de l’Impressionnisme touche à sa fin et, au cours des années suivantes, les «néo-impressionnistes», sous la houlette de Georges Seurat, ont cherché à donner aux couleurs de leurs prédécesseurs immédiats une base plus scientifique. Ils avaient alors à leur disposition une grande abondance de matériaux théoriques: les travaux d’optique de von Helmholtz étaient parus en français en 1867 et les textes de von Bezold en 1876, pour ne citer que ces deux exemples. Seurat et ses collègues avaient acquis la conviction que l’art resterait intellectuellement insatisfaisant s’il ne se rapprochait pas de la science capable d’expliquer les effets d’optique essentiels dans le domaine de l’art. Les travaux d’un physicien américain, Nicholas Ogden Rood, allaient leur apporter de l’aide.
Datation: 1879
Origine: France
Couleurs fondamentales: Jaune, rouge et bleu
Forme: Cercle
Systèmes de référence: Chevreul — Hering — Rood
Bibliographie: Ch. Blanc, «Grammaire des Arts du Dessin», édition anglaise: «The Grammar of Painting and Engraving», Chicago 1879; «Color Documents: A Presentational Theory», par S. Wurmfeld, Hunter College Art Gallery, New York 1985.