Le mathématicien et astronome Tobias Mayer cherche à y déterminer exactement le nombre des couleurs perceptibles à l’œil. Pour avoir une base de calcul, il suppose douze degrés d’intervalle entre deux couleurs primaires et il postule qu’il faut ajouter au moins un douzième d’une autre couleur pour pouvoir différencier le mélange ainsi obtenu de la couleur originelle. En plaçant les trois couleurs pures r12, b12 et g12 aux trois sommets d’un triangle, il bâtit une figure géométrique qui indique systématiquement comment se forment quatre-vingt-onze couleurs mélangées. Il ajoute que chacune des couleurs obtenues par mélange peut être modifiée en clair ou en foncé par l’adjonction de quatre parties (maximum) de blanc ou de noir; le nombre des couleurs théoriquement identifiable est donc 2 x 5 x 91. (Texte détaillé)
En 1758, soit plus d’un demi-siècle après la publication de l’Optique de Newton, le mathématicien et astronome Tobias Mayer (1723-1762) présenta à l’Académie des sciences de Göttingen une conférence intitulée «De affinitate colorum commentatio» («Commentaire sur le rapport entre les couleurs»). Mayer cherchait à y déterminer exactement le nombre des couleurs perceptibles à l’œil. Ses couleurs fondamentales étaient le rouge, le jaune et le bleu, représentées — en termes de pigments — par le cinabre, le jaune d’orpiment et le bleu montagne. Le noir et le blanc interviennent en tant que représentants respectifs de l’obscurité et de la lumière, qui éclaircissent ou assombrissent les couleurs.
Mayer est conscient que de très petites différences de couleurs ne peuvent être perçues par l’œil, ce pourquoi l’intervalle entre les mélanges ne peut pas être choisi aussi petit que l’on veut. Pour avoir une base de calcul, Mayer suppose douze degrés d’intervalle entre deux couleurs primaires et il postule qu’il faut ajouter au moins un douzième d’une autre couleur pour pouvoir différencier le mélange ainsi obtenu de la couleur originelle. Il établit donc la notation suivante: le cinabre est identifié comme «r12» (douze parties de rouge), le jaune d’orpiment comme «g12» (douze parties de jaune, Gelb en allemand), le bleu montagne comme «b12» (douze parties de bleu). Les mélanges s’appellent par exemple «r6g6» (six parties de rouge et six parties de jaune, qui donnent de l’orange); «b6g6» (six parties de bleu et six parties de jaune, qui donnent du vert); «r6b6» (six parties de rouge et six parties de bleu, qui donnent du violet). En plaçant les trois couleurs pures r12, b12 et g12 aux trois sommets d’un triangle, il bâtit une figure géométrique qui indique systématiquement comment se forment quatre-vingt-onze couleurs mélangées qui s’appellent, par exemple, «r4b5g3» ou «r2b8g2».
Le triangle de couleurs de Tobias Mayer n’a été publié qu’en 1775, plus de douze ans après sa mort, par le physicien de Göttingen Georg Christoph Lichtenberg, en liaison avec d’autres Opera inedita et sur incitation de Johann Heinrich Lambert qui l’avait utilisé trois ans plus tôt (illustration du système). Mayer n’avait dessiné en fait qu’une figure plane avec 91 petites cases mais, à la fin de sa conférence, il avait reconnu que chacune des couleurs obtenues par mélange pouvait être modifiée en clair ou en foncé par l’adjonction de quatre parties (maximum) de blanc ou de noir. Cette possibilité démultiplie, dans son système, le nombre des couleurs théoriquement identifiable jusqu’à 2 x 5 x 91 = 910. La place qu’elles pourraient occuper est représentée par une figure superposant dans l’espace cinq triangles, figure simplement décrite par Mayer mais jamais dessinée par lui. Le triangle de base se trouve au milieu, avec le gris au centre. Au-dessous se font les mélanges progressifs avec le noir («black», BK), au-dessus les mélanges avec le blanc («white», W). R indique le rouge («red»), Y le jaune («yellow») et C le bleu sombre («cyanblue»).
Toutefois, cette construction ne fonctionne pas, car elle renferme une anomalie. Le centre gris du triangle d’origine est déjà si sombre que les zones centrales situées au-dessous ne sont que des répétitions et ne peuvent offrir de gradations réelles.
Mayer est célèbre dans les cercles d’astronomes pour l’exactitude de ses mesures et il s’est acquis de grands mérites par des méthodes qui permettent de découvrir les erreurs dues aux instruments. Sa découverte la plus importante date de 1760, lorsqu’il put établir que les étoiles fixes ne sont pas aussi fixes que l’on pensait; elles sont animées d’un mouvement qui leur est propre. Cette observation a mis en cause la Théorie du ciel que le philosophe Emmanuel Kant avait publiée en 1755. Elle encouragea pour cela le naturaliste alsacien Lambert, mentionné plus haut, à chercher dans ses Lettres cosmologiques une nouvelle théorie de l’univers, à partir de 1761. Mayer a ainsi bouleversé par deux fois, à deux ans d’intervalle, l’image que son époque se faisait du monde: avec les couleurs puis avec les étoiles.
Datation: 1758
Origine: Allemagne
Couleurs fondamentales: Rouge, jaune et bleu
Forme: Triangle
Systèmes de référence: Lambert — Benson
Bibliographie: T. Mayer, «De affinitate colorum commentatio», Göttingen 1775; J. W. von Goethe, «Geschichte der Farbenlehre», Zweiter Teil, München 1963; K. T. A. Halbertsma, «A History of the Theory of Colour», Amsterdam 1949.