La symbolique des couleurs
Dans l’ouvrage intitulé Des couleurs symboliques dans l’Antiquité, le Moyen Âge et les Temps modernes, édité à Paris en 1857, le baron Frédéric Portal a essayé d’expliquer systématiquement les principes de
Dans l’ouvrage intitulé Des couleurs symboliques dans l’Antiquité, le Moyen Age et les Temps modernes, édité à Paris en 1857, le baron Frédéric Portal (1804-1876) a essayé d’expliquer et de représenter systématiquement les principes de
Portal se réfère, pour son analyse, à la religion égyptienne, à l’antique religion des Perses, à la tradition hébraïque et, de proche en proche, à toutes les religions issues du bassin méditerranéen; il n’oublie pas non plus la civilisation médiévale, marquée par le culte du symbole, et diverses traditions de l’Inde et de la Chine. Il décrit d’abord la valeur symbolique des couleurs et les règles de leur composition ou de leur opposition, ce qui lui permet d’élaborer un schéma à trois éléments. Ce dernier distingue une «langue divine», adressée directement à tous les hommes pour leur révéler l’existence des dieux; une «langue sacrée», née à l’ombre des sanctuaires, qui règle la symbolique de l’architecture, de la sculpture et de la peinture, de même que les cérémonies du culte et les ornements des prêtres; enfin, au dernier degré, une «langue profane», expression matérielle des symboles et ultime écho de leur vérité éternelle. Selon ce «système de langues», Portal compose son schéma de la langue des couleurs symboliques, en attachant la plus grande importance à la connaissance de ses «règles grammaticales».
Le point de départ est le principe fondamental de la lumière et de l’obscurité, que matérialisent le blanc et le noir. Le blanc n’est pas un pigment à proprement parler, mais il se rattache à l’émanation — «l’écoulement» — de la lumière divine, issue du soleil, que l’on décrit au mieux comme un blanc lumineux. Le noir est considéré comme la négation des couleurs et le résultat de leur calcination, lié à l’esprit des ténèbres. Ce principe duel est propre au divin et se trouve donc en dehors des trois plans de couleur proprement dits.
La lumière n’existe — dans la représentation de Portal — que par le feu, dont le symbole est le rouge. Le rouge et le blanc dominent donc aussi le premier niveau, lieu de l’amour, de la mélancolie, de la volonté — de «l’existence en soi». Le blanc signifie la sagesse divine, tandis que le rouge est le symbole de l’amour divin. La création de l’univers découle de ces deux attributs de Dieu, par conséquent aussi le deuxième niveau. C’est ici le domaine de la vie, le règne de la raison. Le jaune et le bleu ressortissent à ce deuxième niveau et symbolisent l’intelligence et la parole. Le jaune est «la révélation de l’amour» et «la sagesse de Dieu», le bleu symbolisant leur «manifestation par la vie». De l’union du jaune et du bleu naît le vert, qui appartient au troisième niveau, celui de la réalisation et de l’action. Le vert est la manifestation de l’amour et de la sagesse, tels qu’ils se révèlent dans les faits et dans les gestes. Le vert symbolise la générosité et la régénération de l’âme à travers les œuvres.
Pour chacun de ces trois ensembles, inclus dans l’existence temporelle comme le montre le cercle, la couleur peut vivre de son côté selon trois dimensions différentes — le monde divin, le monde spirituel et le monde naturel — selon le champ de l’expérience corporelle à laquelle chacune appartient. Le monde divin est proprement celui des corps irradiants (la lumière vient de leur intérieur). Le monde spirituel est propre aux corps diaphanes, dans lesquels la lumière incidente se diffuse et se transmet, réfléchie, après avoir exploré l’intérieur des corps; c’est le monde des pierres précieuses et des gemmes, des objets chatoyants qui participent de cette façon à la lumière divine; c’est le monde des volumes. Le monde naturel, enfin, est celui des corps opaques étrangers à la lumière et qui la renvoient; celle-ci n’explore pas leur intimité, mais seulement leur enveloppe; c’est le monde des surfaces.
Deux règles régissent le système de Portal: la règle de composition et la règle d’opposition. Selon la première, à partir des cinq couleurs pures — le blanc, le rouge, le jaune, le bleu et le vert — on obtient les couleurs composées: le rose, le pourpre, l’hyacinthe, le violet et le gris. Ces couleurs reçoivent leurs significations des couleurs qui les composent: la couleur dominante est celle qui fournit la signification, tandis que la couleur dominée apporte sa propre nuance. Par exemple, le rouge (amour) et le bleu (vérité) donnent le pourpre (amour de la vérité); le bleu (vérité) et le pourpre (amour) donnent l’hyacinthe (vérité de l’amour). Si l’on ajoute du noir aux autres couleurs, leurs caractéristiques se transforment en leurs contraires: le rouge (amour divin), mélangé au noir, tourne au symbole de l’amour infernal, de l’égoïsme, des passions «inférieures». La règle de l’opposition ne se rapporte pas, comme on l’attendrait, à une relation entre deux couleurs; elle décrit plutôt le caractère double d’une seule et même couleur. La règle d’opposition est commune au langage des couleurs comme à toute la symbolique en général. Par exemple, dans la Genèse, le Serpent n’incarne pas seulement le Messie et la sagesse, mais aussi le mauvais génie. De même, le rouge signifiera amour, mais aussi égoïsme; le vert voudra dire assomption céleste, mais aussi dégénérescence infernale, à la fois sagesse et folie.
Dans la grande figure, à l’intérieur du cercle qui comprend les deux premiers niveaux, la figure géométrique de la lemniscate — une des courbes de Cassini — réunit et sépare à la fois; le point où elle se recoupe elle-même est un point double. La lemniscate rassemble les couleurs tout en montrant, dans le même temps, le niveau de leur présence. Sa particularité consiste à unir la sphère et le cylindre, la plénitude divine exprimée par celle-là — la sphère est sanctifiée par son centre et le protège parfaitement — et la tragédie représentée par celui-ci; car le cylindre a géométriquement son centre à l’infini et il est destiné à conduire, mais non à durer. Le cylindre comme conducteur a son correspondant symbolique et spirituel dans l’Eglise: la Divinité se manifeste dans cette organisation humaine, mais la destinée propre de cette organisation est d’être provisoire et temporelle.
La figure plus petite représente l’
Datation: Date indéterminable
Bibliographie: F. Portal, «Des couleurs symboliques dans l’Antique, le Moyen Âge et les Temps modernes», Paris 1957; R. Gross, «Warum die Liebe rot ist», Düsseldorf 1981.